Eh bien, cela faisait un moment que je ne vous avais fait part d'une de mes élucubrations périodique. Je profite donc d'une petite fenêtre de temps libre en cette période des fêtes pour vous soumettre une remarque que je me suis faite récemment. Remarque qui ne touche pas directement la Saga Metal Gear mais plutôt son créateur Hidéo Kojima.
Tout commence par la déclaration que Kojima a fait lors du BAFTA à Londres, alors qu'un des intervenants lui demandait son avis sur les récentes sorties ciné et accessoirement son film de l'année. Voici ce que fut la réponse de Kojima :
" This year would be Argo, the Ben Affleck film. It's a great film, you should see it - and I'm not being paid to say this, I swear."
Cette sortie fut suivie plus tard d'un tweet de sa part que voici :
" Happy to know "Argo" & Ben Affleck got 5 nominations in Golden Globes. This movie was my best film in this year."
Certains d'entre vous avez probablement déjà eu l'occasion de voir le film en question, ou Ben Affleck nous donne caméra en main, sa vision d'une affaire tristement célèbre ou la CIA s'était illustrée en montant une opération de sauvetage de ressortissants américains coincés en Iran lors de la Révolution Islamique de 1979.
Les qualités intrinsèques du film sont nombreuses et il est évident que le métrage fut maitrisé (c'est le mot) de bout en bout et à la limite de la perfection. En cela c'est un grand film il n'y a aucun doute la dessus.
Là ou le bât blesse, c'est que nous sommes en présence d'un pure film de propagande (à la fois anti-Iran et anti-Islam) dans la plus pure tradition hollywoodienne. C'est un choix qui se comprend aisément étant donnée la conjoncture géopolitique actuelle (bras de fer de plus en plus féroce entre les USA et leurs alliés Occidentaux d'un côté, face au bloc Iran-Syrie et consort de l'autre).
Non. Cette prise de position de la part du réalisateur (notre cher Ben Affleck donc) ne me surprend pas vraiment. C'est de bonne guerre dirons nous. On se rappellera d'ailleurs du cinéma d'action des années 70-80 ou 90% de la production hollywoodienne encensait le patriotisme américains tout en dépeignant "L'Empire Russe" comme le mal absolu rempli de communistes et de bolchéviques mangeurs d'enfants... Guerre froide oblige.
Ce qui pare contre me chagrine, c'est la prise de position qu'a eu notre Game Designer favori Hidéo Kojima qui semble ne pas avoir été affecté par ce qu'il avait lui même fortement critiqué dans ses propres jeux...
Kojima nous avait notamment donné un formidable cour sur le sujet, (la propagande) dans son Metal Gear Solid 2 Sons of Liberty en 2002, ou il nous montrait que l'utilisation des masses médias (cinéma, internet, presse, etc...) était un des outil privilégié du Pouvoir, particulièrement pour faire accepter ses idées. Étant ainsi l'un, si ce n'est le premier, dans le monde encore jeune de jeu vidéo a l'époque à explorer cette thématique de manière aussi subtile.
Certes nous n'avions pas attendu Kojima pour constater ce phénomène culturel qui existe depuis des décennies maintenant, le Cinéma étant par définition un art populaire et comme tout art populaire qui se respecte contient en lui la capacité de diffuser des idées à un publique de masse et ainsi modeler l'opinion publique en faveur de qui en a les moyens. Kojima n'inventait rien car l'Histoire est simplement là pour nous le rappeler...
Pourtant il faut avouer que le média "Jeu vidéo", qui rappelons-le tarde à murir et à s'affirmer concrètement, faisait à la sorti du dit Metal Gear Solid 2, un grand pas vers la maturité en adoptant une position critique non seulement envers les Médias dans leurs globalité mais aussi envers le Jeu vidéo lui même. Kojima avait donc fait de son jeu une œuvre ouvertement métafictionnelle et post-moderne doublé d'un instrument de critique intelligent.
Le voir applaudir des pieds et des mains pour un travail cinématographique intéressé tel que "Argo" ma donc semblé abscons de la part d'un exégète de cette trempe. Je me suis senti comme "trahi" pour employer un terme volontairement exagéré. Un peu à la manière de l'enfant, croyant fortement au Père Noël au point de l'attendre en cachette dans le coin du salon pour le surprendre au moment de déposer les cadeaux mais qui se rend compte qu'en réalité il s'agit de son Papa... La chute est violente même si on finit par s'en remettre!
Faut-il y voir un aveu de renonciation ? Un crime d'apostasie idéologique, un commentaire bobo ou un simple avis d'amateur quelconque de cinéma?
Probablement tout ca à la fois...